L’autoédition…

Ou comment j’ai fait un bébé tout seul.

Au grand dam des maisons « closes » de la profession.

« Un livre, c’est un auteur et un éditeur. Point. Le premier pond l’œuvre et le second la féconde. Ainsi a toujours œuvré la litté-nature, mon p’tit poussin ! »

Alors des œuvres non fécondées, forcément, ça ne couve rien de bon.

« Ne vous étonnez pas que les libraires vous envoient vous faire cuire un œuf quand ils vous voient arriver avec votre panier sous le bras ! »

Seulement, les temps sont en train de changer, ma poule, dit l’âne.

Le marché de l’autoédition est en plein boum, au point de briser un tabou cette année en présentant un roman autoédité en vitrine d’un prix littéraire (« Bande de Français » de Marco Koskas au Prix Renaudot). Et bam !

« Bande d’illettrés, oui ! »

Même des auteurs déjà publiés chez des éditeurs se lancent dans cette forme de publication pour une plus grande liberté d’écrire et de publier ce qu’ils aiment, disent-ils, au risque de ne pas être largement lu.

Parce que le marché des livres reste toujours prisonnier des mains des grands éditeurs. Il n’y a qu’à voir les étals des librairies et les livres qui sont primés.

Le prix Renaudot a été attribué à… Bingo !
La bande de pistonnés des maisons closes.

Alors à quoi bon s’autoéditer ?

Mais pour la liberté d’écrire, on vous dit ! Pour la satisfaction d’aller au bout de son projet, surtout si l’on croit en lui, et pour le plaisir de partager avec une poignée de lecteurs enthousiastes.

Et parce qu’il vaut mieux y aller seul que mal accompagné.

Car trouver le grand amour avec un éditeur (à compte d’éditeur, je parle), pour accoucher d’un roman aimé et le porter jusqu’à son succès, est chose rare1. Souvent on se contente du premier gentil qu’on trouve, pour un mariage de raison mais sans grand sentiment1bis.

Et puis, en autoédition, on peut parfois mieux s’en sortir qu’avec un éditeur.

Alors, mon dernier roman, Harkness, j’ai décidé de le faire tout seul.

Après avoir trouvé portes closes chez de nombreuses maisons d’édition, je me suis rendu chez les banques de « s’permettre de s’auto-publier» sur les multiples plateformes dédiées.

Et là, quelle n’a pas été ma surprise !

Toutes vous promettent des étalons en puissance avec une qualité de prestations irréprochable pour une jouissance de revenus mirobolants en retour.

Bien sûr, toutes n’en voulaient qu’à mon argent, il n’y avait qu’à les regarder soigner leurs formes pour comprendre que j’avais mis les pieds dans un beau bordel.

Je ne vais pas ici vous noyer dans un comparatif des différentes enseignes au risque de la confusion (il y aurait trop de choses à en dire2), mais seulement témoigner de mon expérience, laconiquement.

À mon entrée sur les plateformes d’auto-publication, j’ai d’abord longuement reluqué le cas de Librinova, très attirante dans sa tenue transparente, et recommandée par certaines maisons « closes » maquées avec.

Mais l’idée de devenir la poulette d’un agent littéraire, une fois que mon livre s’est bien vendu (1000 ebooks quand même !), m’a semblé un peu pervers.

Après avoir éliminé les trop « vulgaires » Lulu, Kindle d’Amazon, Iggybook, à services minima3, m’être embrouillé avec Atramenta pour usage de pratiques à compte d’auteur4, je suis finalement monté avec Publishroom pour obtenir l’insémination de mon roman.

Pour 690 euros, elle me faisait la totale (correction, mise en page, couverture par un graphiste, distribution sur réseau Hachette…), un rapport qualité/prix imbattable, avec un contrat simulant parfaitement l’autoédition, le pied quoi !

Après trois semaines d’une collaboration enthousiaste, au moment de signer le contrat d’autoédition, voilà qu’elle décide d’y mettre un terme, du fait que je lui demandais d’y préciser formellement ce qu’elle me vantait oralement.

En effet, c’était du vent. Je n’ai eu aucune explication. Merci, au revoir !

Frustré, je suis allé me consoler dans la chambre de Bookelis5, sa collègue, avec une tout autre pratique puisqu’elle, ne simulait pas. J’étais l’éditeur, à moi de prendre mes responsabilités jusqu’au dépôt légal et gérer ma petite entreprise une fois notre affaire conclue… comme un grand garçon.

Me voilà dépucelé et un roman dans le tiroir.

Il ne me restait plus qu’à passer commande et jouer le rôle de l’éditeur jusqu’au bout, dans toute sa virilité, avec la promotion et la distribution, en draguant presse et libraires, sans oublier d’inscrire ma progéniture dans les salons littéraires, pour lui offrir un bel avenir.

Le mieux, c’est encore de voir le bébé… il est tout beau et tout rose !

« Hein, mon bébé ? Oh, faut que je change encore ta couche d’emballage
pour que tu sois propre avant la prochaine commission ! »

Pour le prendre dans vos bras, c’est par ici >>


1 – chaque éditeur mise sur 5% des manuscrits qui lui sont soumis.

1bis – ce n'est pas le cas de mon premier amour. 
Salto, je t'aime toujours ! 🙂

2 – vous pouvez me poser vos questions en commentaires et 
j’y répondrai plus précisément.

3 – ces low cost de l’activité avec tout en options ne convenaient pas 
à mon besoin d’une édition pro complète, papier et ebook. 
Je n’ai donc pas poussé l’étude plus loin.

4 – la majorité des plateformes simule en fait un contrat d’éditeur 
à compte d’auteur en proposant des services payants contre des droits 
d’auteur en retour, plus avantageux que les maisons classiques 
comme Edilivre, 
selon le mode de vente.

5 – j’ai payé rubis sur ongle chaque service (presque 1000€ au total), 
pour un rendu très pro. Le bémol, c’est de n’avoir toujours affaire 
qu’à une seule interlocutrice et jamais directement aux intervenants. 
Dans le cas de la création de la couverture, par exemple,
c’est assez laborieux pour parvenir à un résultat satisfaisant. 
Rien ne m’empêche la prochaine fois de solliciter des professionnels 
« de luxe » (externes à la plateforme), avec un coût potentiellement 
plus élevé mais une prestation certainement plus optimale.

Harkness entre à la BNF

Aujourd’hui, c’est son premier jour d’embauche… à mon deuxième !

Comme son grand frère, Des Bleus à la belle étoile, il y a trois ans déjà. Le même teint rose mais un peu plus épais, et pourtant il ne fait pas de rugby. Regardez comme il est beau !

Il est plutôt dans la musique, mon Harkness. Bruce Springsteen, vous connaissez ?

Lui non plus, faut lire… Quelle histoire !

Depuis ce matin, il la raconte aux lecteurs de tous âges. C’est ça son travail !

L’autre jour, il a déposé sa candidature à la BNF*, de façon tout à fait légale… la démarche souple, le pelliculage brillant gominé (vous m’connaissez, je l’ai bien arrangé, mon fils), quand le formulaire commence à le brocher… genre !

– Nom, prénom !
– Harkness, au cœur d’un concert de Bruce Springsteen.
– Matricule !
– 979-10-227-8347-7.
– Vous êtes nouveau ?
– Euh, oui.
– Lieu de naissance ?
– Imprimerie Jouve en Mayenne.
– Taille, largeur, poids !
– 210 cm, 148cm, 254 pages.
– La catégorie érotique, ça vous intéresse ?
(mais enfin !)
– Euh, non… plutôt roman, classique.
(c’est bien, mon fils !)
– Je vois… chiant quoi. Et vos prétentions salariales ?
– 16 euros par livre.
– Et vous voudriez commencer quand ?
– Dès que possible…
– Publiez-vous ici le 14 décembre, on fera un essai.
– Merci m’sieur le formulaire.

Et voilà comment il est arrivé là. N’hésitez pas à aller le voir et demander ses services… C’est son travail maintenant… Vous lire son histoire !

Pour le trouver, je vais tout vous expliquer, c’est pas compliqué… 
Suivez-moi >>

(*) Bibliothèque nationale de France

Les liens qui se nouent…

The ties that bind… comme un clic en moi, dans mon ventre qui m’attache à la déferlante du bolide qui s’élance, là, sur scène, avec moi à son bord.

The ties that bind… comme un déclic en moi, dans mon cœur, relâchant une émotion forte qui ressemble à un sanglot dont je retiendrai toute larme.

The ties that bind… comme un cyclique émoi, dans tout mon être, chaque fois que ces notes retentissent à mes oreilles, comme une odeur d’enfance retrouvée que je croyais oubliée et qui remonte avec elle tous ces souvenirs qui m’enivrent d’une espèce de mélancolie.

Ces liens qui se nouent, qui sont nous, en nous… et que l’on ne saurait défaire dans nos entrailles comme des nœuds mouillés par nos larmes versées… de joies ou de tristesses infinies.

Oui mais encore…

The ties that bind… comme un clic en moi, je disais… Il aura suffit d’un roulement de batterie, du tintement de deux notes de guitares « Ta dain !!  … Ta dain !! » pour réveiller en moi cette toute première fois où j’ai passé la cassette dans mon magnétophone de cet album* extraordinaire qui restera pour beaucoup une référence.

Et pour cause, ces premières notes y étaient pour quelque chose, je l’ai compris seulement l’autre soir, ce jeudi 5 juillet 2012, à 20h59. Le Boss entame son deuxième concert à Paris Bercy pour une nuit mémorable, une prestation d’anthologie de 3h39 qui consacre ce qu’il est, un homme de cœur autant que de scène, généreux et heureux, en communion totale avec ceux qui l’aiment, avec ceux qu’il aime, son public et ses musiciens, 16 rien que ça, complétant le mythique E Street Band, un show extraordinaire pour la postérité de l’homme et de son œuvre, revisitée.

Un concert où il se livre comme jamais auparavant, juste et sincère dans la voix, enthousiaste et insouciant comme un gosse dont les élans et la fulgurance le poussent jusqu’à se fondre dans la foule et se laisser happer, porter par les vagues humaines en délire qui finiront par le refouler sur la plage électrique de sa scène.

Il ne faut pas seulement être fan pour être touché par ce phénomène. La performance est autant physique que musicale. Chaque détail de l’orchestration de ce show en mouvement est une pure merveille, les tambours, les cuivres, l’accordéon, les chœurs et le violon, autant d’ajustements qui contribuent à une harmonie encore plus totale de son groupe et de sa musique que l’on croyait déjà complète.

Chaque concert du Boss est différent, chaque morceau une nouvelle version propre à l’instant, en tient pour démonstration une setlist de 31 chansons dont 15 au moins  diffèrent de la veille, rien que ça !

Bruce Springsteen est passé dans ma vie, il y a vingt-cinq ans déjà, et jeudi soir je ne vous mentirai pas si je vous dis que j’ai eu cette sensation rare et sublime d’une première fois.

Tenth avenue freeze-out… comme un dernier tour sur scène, un dernier morceau en hommage à l’emblématique saxophoniste, Clarence Clemons décédé l’an dernier, et remplacé avec autant de brio que de symbole par son neveu dont la voix de son instrument durant la soirée nous ramenait sans cesse en mémoire l’imposante stature du Big Man que les écrans n’ont pas manqué de nous offrir en images quand la chanson s’est arrêtée, nette, sur sa célèbre phrase « and The Big Man joined the band ». Bruce, la guitare en bout de bras levé, est resté figé dans un silence musical couvert par l’ovation brouhahantesque du public qui lui rendait hommage. Et le morceau reprenait à l’endroit exact de l’interruption comme si le Boss avait appuyé sur la touche play, et d’en finir avec le marathon de son œuvre. Et quelle œuvre !

3h39, sans interruption, à enchaîner des morceaux les uns plus enlevés que les autres, jusqu’à ce « For you », seul au piano, et ce « Racing in the Street » qui n’en finissaient pas de nous émouvoir au plus profond de sa voix.

Et de demander au public au bout de trois heures, dans un français maîtrisé, « Fatiguéééé ? ». Et nous de lui crier à chaque fois « noooon ! » dans un mensonge jamais avoué. A terre, le Boss se relève et tend son harmonica en signe d’épuisement, vers le premier rang. Je n’y étais pas… je n’y étais pas !

Cela restera mon seul regret qui nourrira encore cette même envie, restée intacte, d’y retourner en me promettant que cette fois on ne m’y reprendra plus… je serai au premier rang, l’harmonica dans la poche.

Si Bruce Springsteen n’était pas ici pour moi prétexte à écrire, alors je n’écrirais jamais. Je lui dois bien ça. Merci Boss pour ce grand moment !

* « The ties that bind » premier morceau du double album « The river » (1980)
 

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