Matière à écrire…

Tout n’est que matière. La matière est le tout.

« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » disait Tonio, le chimiste. C’est devenu un leitmotiv au Café de la Page blanche, le big bang de son univers en expansion.

Ah, l’univers ! … Il anime la matière dans son mouvement perpétuel depuis sa création. Dieu ?

Non, nous compliquerions. Pourquoi chercher une explication ?
Toujours la raison, quand il n’y a de place ici que pour le cœur.
L’univers a sans doute ses raisons que la raison humaine ignore.
L’amour, au cœur du mouvement… Mais oui, évidemment !

Pour quoi ?

Pour la matière, ça va de soi ! Sans amour, elle ne peut se mouvoir.
La matière se propulse en aimant, attirée par le mouvement, portée par son élan, elle se gonfle d’énergie, elle fond sous la lumière qui luit, elle se transforme, elle avance, elle danse, elle aime, elle est… elle meut !

Mais elle reste toujours égale à elle-même, à ce tout que l’homme appelle l’univers et dont il ne supporte pas l’idée qu’il puisse lui échapper, ne pas contenir dans ses instruments de mesure. Alors des nanomètres aux années lumières, il se perd dans la démesure.

Un jour, je le mesurerai et je saurai enfin où, quand, qui, quoi, comment et pourquoi.

Déjà, il se passionne dans ses recherches, dans sa quête du savoir, du sacré Graal. Il aime, il avance, poussé par son élan, il transforme le monde sous ses pieds, il se fond en poussière, de siècle en siècle. Il est, il meut, dans ce tout, insignifiant, il est, il meurt, la matière le balaye, grain de poussière qui reprend sa place dans la ronde de l’univers, au milieu des étoiles.

Tout est matière, même les mots que l’on écrit sur une feuille blanche.

Un mot naît de notre imagination et prend forme sous notre plume. Transformation de l’encre sous l’impulsion d’une mine affûtée dans le mouvement précis de nos doigts. Un mot, puis un autre, une phrase, puis une autre, une rature peut-être, une page agite enfin ses petites formes, son style sur le ventre de sa feuille-mère. On pourra bien la déchirer, la faire partir en fumée, chaque mot que l’on aura posé et lu aura existé, il poursuivra sa transformation dans l’air du temps, il aura participé à la ronde de l’univers, dans ce tout de la matière où tout un chacun se meut à jamais.

Je sais désormais que je n’écris pas pour rien. 

Et vous ?

… si vous laissiez exploser vos mots et s’épandre sur une page blanche de votre univers ?

Ce condiment… le sel dit vrai !

J’ai réuni tous mes mots autour d’une table comme un coach son équipe avant le match de sa vie. Je les ai tous regardé, un après l’autre (rassurez-vous nous sommes une petite équipe), et j’ai cherché dans leur regard au plus profond d’eux, le sens que chacun pouvait donner à cette belle histoire que l’on écrivait depuis le début.

Je n’ai rien dit. J’ai juste posé le sel sur la table.

J’ai lu (et relu) dans leurs regards qu’ils m’avaient compris. Ils sont rentrés sur ma page remontés comme jamais. Il fallait les voir comment ils se sont placés, et livrés à eux même pour sublimer leur sujet. Quel match, quel panache, quel style, quel plaisir à les voir jouer !

Et puis je me suis réveillé avec comme un goût salé dans la bouche.

En écho à un article de Pascal Perrat sur son blog : Quand un texte manque de sel…

Et vous ?

… et si vous laissiez vos mots se déverser sur une page blanche telle une vague de votre imagination… à fleur de sel ?