Brève au comptoir
« C’est comme ça et puis c’est tout ! conclut Tonio. Et d’ajouter :
– C’est encore moi le patron que je sache !
– Rrrhan ! ».
Françoise rageait à l’intérieur. Elle trouvait l’idée ringarde et le faisait savoir à son patron… à sa façon. Le vieux n’aurait jamais laissé passer ça. Le Café de la Page blanche associé à la « beauferie » des idées de ce type.
« Pff … ».
Elle repassa derrière le comptoir sans regarder son interlocuteur.
« Oh, tu peux pouffer à défaut de faire des phrases. Elle est belle la discussion ! » reprit Tonio.
– Ben z’est vrai que z’a pas été trop le ztyle de la maizon… » crut bon d’intervenir Zozotte.
– Toi, ressers donc un coup à Pierrot, tu vois bien qu’il est à marée basse au lieu de te mêler d’affaires qui ne te regardent pas ».
Tonio enchaîna, prenant Pierrot à témoin.
« C’est vrai quoi, j’vois pas où est le problème. Ce tableau noir, il est pratiquement vide depuis qu’on a rouvert il y a six mois. Qu’est-ce t’en penses toi ?
– Ah, moi j’trouve que c’est une idée géniale. Ça nous évitera d’aller chez les rosbifs samedi prochain ! acquiesça le plus fidèle des clients du patron.
– Haaaan, gros malins ! lâcha Françoise dans sa plus longue phrase de cette discussion qui durait depuis une heure déjà.
– C’est quoi ces han de… p… porteuses d’eau ? s’agaça Tonio, cherchant ses mots. T’es fatiguée ? .. Euh… mets moins d’eau dans le pichet si c’est trop lourd ! »
Il esquissa un sourire quand Françoise baissa la tête et attrapa deux assiettes qu’elle claqua brusquement dans l’évier. L’eau du robinet s’écrasait dessus à haute pression. Ainsi exprimait-elle sa colère dans une symphonie de fracas de vaisselle.
« Haha ! … Des han de porteuse d’eau, haha ! C’est bon, ça ! s’esclaffa Pierrot.
– Heiin ! … Z’est pas de vous, za ! » osa se mêler à nouveau Zozotte tout en servant sans regarder un deuxième whisky au client privilégié du patron.
– Stooop ! hurla Tonio qui voyait son alcool dix ans d’âge partir gratuitement. On voit que c’est pas toi qui le paye.
– Merci Zozotte ! Les yeux de Pierrot pétillaient devant une telle rasade.
– Et après ? s’insurgea Tonio, c’est interdit de s’en servir pour faire un bon mot. Moi aussi j’ai lu Molière !
– C’est De Rostand, le reprit Pierrot en aspirant du bout des lèvres le trop plein de son alcool à la limite de déborder du verre.
– De Roustand ? … heiin ? … Je l’ai jamais entendu dire ça et pourtant je le suis depuis Téléfoot, je suis fan de son blog dans l’Equipe.
– Mais non, j’te parle d’Edmond De Rostand, Cyrano de Bergerac. Et l’autre hé… Roustand haha !!
– Ah ben oui, c’est dans ce film même qu’il y a la fameuse réplique… euh.. c’est un pif, c’est un cap… Il moulina ses gestes de sa main droite pour poursuivre avec un ton théâtral. Oh, que dis-je c’est un cap, c’est… euh… c’est une euh… insule ! »
Puis il se reprit, gêné :
« Euh, bon.. je sais plus trop mais… mort de rire ! » Et il rit.
Voilà que Fernand fit son apparition. Onze heures deux minutes. Une vraie horloge ce Fernand.
« Bonjour !
– Bonjour !
– Salut !
– Oh ! Bonzour m’zieur Fernand !
– Ah, je vois que Françoise n’est pas dans un bon jour, lâcha le poète tout en lui adressant un sourire.
– Bonjour Fernand. Je suis juste un peu énervée, là !
– Ben oui, le bozz veut nous mettre un écran zéant devant le tableau pour zuivre les matss de rugby, intervint spontanément Zozotte.
– Ouais et alors, poursuivit Tonio, j’vois pas où est le problème. Faut qu’il y en ait pour tout le monde ici.
– Pourquoi pas ? C’est une bonne idée, dit Fernand en se tournant vers Françoise.
– Pff !
– Madame trouve que ça fait pas assez littéraire pour l’endroit.
– Ben oui, z’est pas l’ztyle de la maizon…
– Moi j’aime bien le rugby même si je ne comprends pas tout, ajouta Fernand. Et puis, c’est une matière à écrire comme une autre. Ca peut donner l’occasion de s’initier à une chronique sur les résultats des matchs, non ?
– Voilà, Fernand nous fait la chronique et on l’affiche en vitrine le lundi, conclut Tonio, fier d’avoir gagné son bras de fer avec Françoise. Il a horreur quand ils se font la tête, ça peut durer très longtemps.
– Ah, mais je n’ai pas dit que ce serait moi le chroniqueur sportif. J’en suis bien incapable, alerta tout de suite Fernand.
– Mais qui alors ? demanda Tonio
– Toi ! Je suis sûr que tu as la verve pour nous concocter des petites brèves hebdo sur le sujet.
– Moi ? Tonio rougissait sans s’en rendre compte.
– Lui ? s’étouffa Zozotte incrédule.
– Pff !
– Mais oui ! confirma Pierrot déjà à sec depuis cinq minutes qu’il écoutait ses amis débattre. Ca s’arrose, non ?
– C’est la tournée du patron » le rassura Tonio.
Une phrase qui sonnait comme un Alléluia dans les oreilles des quelques acolytes accoudés au comptoir.
Ainsi naquirent les brèves d’Ovalie ce matin-là, au comptoir du Café de la Page blanche.
Vous voulez la suite ? … cela ne dépend que de nous !
Le décor est planté ! La rubrique Brèves du Café nous attend pour animer ce petit monde selon notre imagination et notre culture sitcom, série télé ou scène de théâtre !
Et n’oubliez pas, les Brèves d’Ovalie se mettent à jour chaque week-end… ou presque !