Les liens qui se nouent…

The ties that bind… comme un clic en moi, dans mon ventre qui m’attache à la déferlante du bolide qui s’élance, là, sur scène, avec moi à son bord.

The ties that bind… comme un déclic en moi, dans mon cœur, relâchant une émotion forte qui ressemble à un sanglot dont je retiendrai toute larme.

The ties that bind… comme un cyclique émoi, dans tout mon être, chaque fois que ces notes retentissent à mes oreilles, comme une odeur d’enfance retrouvée que je croyais oubliée et qui remonte avec elle tous ces souvenirs qui m’enivrent d’une espèce de mélancolie.

Ces liens qui se nouent, qui sont nous, en nous… et que l’on ne saurait défaire dans nos entrailles comme des nœuds mouillés par nos larmes versées… de joies ou de tristesses infinies.

Oui mais encore…

The ties that bind… comme un clic en moi, je disais… Il aura suffit d’un roulement de batterie, du tintement de deux notes de guitares « Ta dain !!  … Ta dain !! » pour réveiller en moi cette toute première fois où j’ai passé la cassette dans mon magnétophone de cet album* extraordinaire qui restera pour beaucoup une référence.

Et pour cause, ces premières notes y étaient pour quelque chose, je l’ai compris seulement l’autre soir, ce jeudi 5 juillet 2012, à 20h59. Le Boss entame son deuxième concert à Paris Bercy pour une nuit mémorable, une prestation d’anthologie de 3h39 qui consacre ce qu’il est, un homme de cœur autant que de scène, généreux et heureux, en communion totale avec ceux qui l’aiment, avec ceux qu’il aime, son public et ses musiciens, 16 rien que ça, complétant le mythique E Street Band, un show extraordinaire pour la postérité de l’homme et de son œuvre, revisitée.

Un concert où il se livre comme jamais auparavant, juste et sincère dans la voix, enthousiaste et insouciant comme un gosse dont les élans et la fulgurance le poussent jusqu’à se fondre dans la foule et se laisser happer, porter par les vagues humaines en délire qui finiront par le refouler sur la plage électrique de sa scène.

Il ne faut pas seulement être fan pour être touché par ce phénomène. La performance est autant physique que musicale. Chaque détail de l’orchestration de ce show en mouvement est une pure merveille, les tambours, les cuivres, l’accordéon, les chœurs et le violon, autant d’ajustements qui contribuent à une harmonie encore plus totale de son groupe et de sa musique que l’on croyait déjà complète.

Chaque concert du Boss est différent, chaque morceau une nouvelle version propre à l’instant, en tient pour démonstration une setlist de 31 chansons dont 15 au moins  diffèrent de la veille, rien que ça !

Bruce Springsteen est passé dans ma vie, il y a vingt-cinq ans déjà, et jeudi soir je ne vous mentirai pas si je vous dis que j’ai eu cette sensation rare et sublime d’une première fois.

Tenth avenue freeze-out… comme un dernier tour sur scène, un dernier morceau en hommage à l’emblématique saxophoniste, Clarence Clemons décédé l’an dernier, et remplacé avec autant de brio que de symbole par son neveu dont la voix de son instrument durant la soirée nous ramenait sans cesse en mémoire l’imposante stature du Big Man que les écrans n’ont pas manqué de nous offrir en images quand la chanson s’est arrêtée, nette, sur sa célèbre phrase « and The Big Man joined the band ». Bruce, la guitare en bout de bras levé, est resté figé dans un silence musical couvert par l’ovation brouhahantesque du public qui lui rendait hommage. Et le morceau reprenait à l’endroit exact de l’interruption comme si le Boss avait appuyé sur la touche play, et d’en finir avec le marathon de son œuvre. Et quelle œuvre !

3h39, sans interruption, à enchaîner des morceaux les uns plus enlevés que les autres, jusqu’à ce « For you », seul au piano, et ce « Racing in the Street » qui n’en finissaient pas de nous émouvoir au plus profond de sa voix.

Et de demander au public au bout de trois heures, dans un français maîtrisé, « Fatiguéééé ? ». Et nous de lui crier à chaque fois « noooon ! » dans un mensonge jamais avoué. A terre, le Boss se relève et tend son harmonica en signe d’épuisement, vers le premier rang. Je n’y étais pas… je n’y étais pas !

Cela restera mon seul regret qui nourrira encore cette même envie, restée intacte, d’y retourner en me promettant que cette fois on ne m’y reprendra plus… je serai au premier rang, l’harmonica dans la poche.

Si Bruce Springsteen n’était pas ici pour moi prétexte à écrire, alors je n’écrirais jamais. Je lui dois bien ça. Merci Boss pour ce grand moment !

* « The ties that bind » premier morceau du double album « The river » (1980)
 

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Coup de blues au Réservoir !

Aujourd’hui, faire le plein du réservoir, on le sait et on a beau râler, ça coûte bonbon !

Mais il est un Réservoir, qui, une fois qu’il a fait le plein, ne manque pas de culot pour se remplir encore les poches.

Un peu de décence tout de même !

Ca se passe à Paris dans le 11ème, rue de la Forge-Royale. Ce n’est pas sans aplomb que ce lieu branché de la vie nocturne parisienne s’affiche sur son site comme un lieu de privilégiés, un club comme il se nomme, propice à l’épanouissement des artistes et la découverte de nouveaux talents.

Et il n’y a rien à redire, ce soir-là, la musique live au Réservoir, c’était du super ! … Mais à quel prix ?

Cela aurait été d’autant plus super qu’à 15 euros l’entrée on ait pu occuper la place assise ou debout que stipulait le billet pour assister au concert.

Seulement en arrivant, on est plus facilement sur le cul que le cul sur une chaise. Tout d’abord, il faut reconnaître que l’endroit en jette avec ses poutres apparentes, sa déco baroque atypique créée de toutes pièces pour simuler l’aspect d’une ancienne forge en l’honneur de la rue qui lui sert d’adresse, des tentures, des sculptures, des grands miroirs et des luminaires insolites, il y a même une cage en fer forgé, de vieux fauteuils et canapés en velours rouge.

Mais très vite, ce sont les videurs qui en jettent. Tous ceux qui oseraient s’aventurer devant la scène ou dans la salle, au risque d’obstruer la vue des privilégiés qui, eux, ont réservé une table pour « leur » dîner concert. C’est bien simple, sans réservation pour dîner (repas autour de 45€ environ, sans les boissons), vous êtes gentiment convié à longer le bar, parqué avec les autres en file indienne, chacun tentant de deviner un bout de la scène, à défaut de voir les musiciens.

Oui mais voilà, un malheur n’arrive jamais seul. On aurait pu penser qu’accoudés au bar, on soit idéalement placés pour être servi les premiers d’une petite bière pression.

Que nenni ! … Figurez-vous qu’au Réservoir, à la pompe, il n’y a qu’une seule serveuse pour tout ce « tiers » monde, son collègue s’attelant à servir en priorité « les nantis » en salle qui commandaient.

« Ca va, vous n’êtes pas tout seul ! » me répondit sèchement l’employée, débordée qu’elle était à composer des cocktails et à qui je demandais gentiment de ne pas m’oublier, un quart d’heure que j’attendais patiemment mon tour. Chaque fois qu’elle ouvrait la bouche les mots semblaient vouloir s’échapper de la porte de prison qu’elle tenait en guise de sourire. Je n’ai pas répondu et fui avec eux. Bref, je reviendrai plus tard dans la soirée, sans pression, pour une bière bouteille à 6 euros pièce, premiers prix.

Et encore heureux que la musique était bonne !

Le blues sur scène aidait à oublier celui en bord de salle. Ca déménageait sous la Gibson du soliste et pourtant personne ne bougeait à table, ça dînait tranquillement, applaudissant entre deux fourchetées. On est loin de la ferveur des salles du New Morning, du Trianon et autre Cabaret Sauvage de la Villette… de vrais ambiances de concert !

Ce jeudi 19 avril, il y avait du blues et du bon avec l’énergique groupe français Blues Power Band précédé d’un non moins excellent Hub, au son authentique du sud de la Louisiane.

Tous deux ont réussi à me faire oublier un instant ce foutage de gueule ambiant.

Bref, on ne m’y reprendra plus…

la prochaine fois, j’irai faire le plein de musique live ailleurs !

Vous aussi, arguez de l’humeur de vos coups de gueule ou coups de coeur dans la rubrique avis d’expo, de spectacle ou encore avis de théâtre ou avis de ciné !

Candidat, de quoi t’as l’air ?

A une semaine du dénouement du premier tour, nos candidats ne savent plus comment se faire entendre.

Certains chantent leur retour alors qu’ils sont déjà là, d’autres leur victoire certaine dont nous sommes déjà las.

Certains déchantent le long de leurs descentes inexorables dans l’opinion, d’autres s’enchantent de leurs révoltes inoxydables, qu’ils soient en tête ou en queue de peloton.

Et puis il y a nous, qui nous lassons de ces mêmes refrains aux tonalités diverses et dissonantes, au point d’éteindre nos postes télé et radio devant tant de cacophoniance, cacaphonie ou je ne sais quel autre mot inventer encore pour participer moi aussi à la diversion orthographique ambiante.

Alors à défaut d’accomplir son devoir citoyen l’air très enchanté, je m’disais qu’on… pourrait d’ici là voter pour nos candidats sur un autre air, à la Bécaud, à la Souchon !

Comme se rappelait par exemple Le Canard Enchaîné (11/4) que j’ai sous les yeux, dans un portrait de Nathalie Arthaud, au souvenir de « l’icône Arlette célébrée par Souchon » :

Les belles idées passent comme les starlettes,
Et, dans l’impasse, il nous reste Arlette.

Et de rajouter « Nathalie n’a pas à souffrir de la comparaison puisqu’elle a été chantée par Bécaud » :

Elle parlait en phrases sobres
De la révolution d’octobre
Je pensais déjà
Qu’après le tombeau de Lénine
On irait au café Pouchkine
Boire un bon chocolat

Je me suis dis aussitôt : « Et les autres, alors, qui les ont chantés ? »

D’où l’idée légère et facile, comme une pause dans cette campagne cacophoniante ou cacaphonique, de voter pour les paroles de chansons qui décrivent le mieux chacun des autres candidats.

Essayez de trouver un couplet ou un refrain qui leur collerait à la peau !

Si vous aviez à l’idée le même air que moi pour Eva Joly, trop tard, elle s’est déjà servie elle-même :

Quoi ma gueule ?
Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?
Quelque chose qui ne va pas ?
Elle ne te revient pas ?

Mais nous pouvons trouver bien mieux, sans problème !

Des mots sur un air de jazz…

L’improvisation, c’est le nerf du jazz !

Elle transporte ses messages entre les membres d’un corps musical pour que chacun articule son instrument, organe moteur de leur musique, organisme bien vivant.

L’improvisation, c’est le nerf du bœuf que les jazzmen sur scène affectionnent, matraquant  sur un rythme fou ce que leur dictent à tort ou à raison leurs instruments.

Je pourrais continuer à jouer comme eux toute la nuit avec mes mots comme ils me viennent sur ce thème. Mais poser des mots directement sur un air de jazz, c’est une toute autre paire de manche, un autre set, quoi !… Si je puis me permettre une dernière fois – je suis incorrigible, vous l’aurez deviné ! – cela n’est pas sans risque de taper sur les nerfs plus que sur ses pieds à mesure que le rythme défile et les mots se défilent .

Car le jazz c’est d’abord un rythme, un coeur qui bat :
swing, cool, bebop, à contretemps, syncopé… toujours vivant !

Le jazz, c’est aussi un son, le souffle de la vie qui passe dans ce corps instrumental. Ce sont ces mots que les instruments prononcent et qui nous charment par leur accent de cuivres claironnant, de cordes vibrant, de tambours battant, tels des bambins dans une crèche balbutiant leurs premières onomatopées. Pada pada pada padap … Biiii bap !

Et que nous disent-ils ? … Les aides maternelles se posent sans doute la même question et pourtant, comme le public de jazz, instinctivement elles perçoivent leurs intentions.

Et si on essayait à notre tour de mettre des mots sur cette musique,
des mots qui respirent… qui battent la mesure de notre coeur ?

Claude Nougaro était très fort dans cet exercice. Ses mots savaient trouver la résonance des thèmes d’origine.

« Quand le jazz est, quand le jazz est… là !  »

Allez-y, chantonnez ! … On entend presque le frottement des baguettes sur les charleys et le coup de grosse caisse sur le premier temps, non ?

Essayons, je disais ! … Il ne s’agit pas pour moi de vous faire ici un cours de musique, je n’en ai pas la faculté, loin de moi l’idée. Je vais même vous dire, j’improvise complètement cet article. Ça tombe bien, c’est le sujet. Et j’espère qu’il saura vous faire jaser.

Mais assez parlé, écoutons plutôt ! … « So What de Miles Davis« 

Cliquez sur l’image !  (à défaut de pouvoir l’écouter sur un meilleur support, car le son ici est plutôt médiocre)

Ecoutez en boucle,
fermez les yeux… vous voyez quoi ?

Imaginez chaque instrument comme un mouvement dans un décor ou comme un personnage principal qui agit, qui parle.

Imaginez... à l’envers du film « ascenseur pour l’échafaud » de Louis Malle où Miles Davis a improvisé en direct la musique du film sur les images, à votre tour vous improvisez les images à l’écoute du thème de ce morceau de jazz culte.

Décrivez ce que vous voyez, posez les mots qui vous viennent sur la pellicule de votre film… sur quelques lignes.

Comme vous le sentez, essayez  !

Vous n’êtes pas obligés de suivre scrupuleusement l’exercice…
Postez un commentaire comme il vous vient.

La musicalité des mots…

Je voudrais vous parler d’une émission radiophonique qui, depuis quelques temps le dimanche matin, m’emmène ailleurs et parle de livres en musique… Mieux, elle délivre la musique des mots d’une œuvre par son auteur, souvent présent et accompagné d’un libraire qui le présente.

Ce petit bijou d’émission, c’est Fip qui nous l’offre au beau milieu de ces matinées dominicales.

Si je vous parle de Fip, ce n’est pas pour en faire la pub, elle n’a pas besoin de cela, mais parce qu’elle m’influence dans mon quotidien, elle m’accompagne. Je vous en parle comme s’il s’agissait de ma compagne, d’ailleurs.

Vous remarquerez que j’emploie Fip au féminin. Il faudrait presque dire, elles, au pluriel tant ces voix douces et sensuelles, légères et malicieuses, parfois insolentes qui savent capter mon attention marquent son identité. Me voilà polygame parmi ces muses polyphones !

Ce dimanche matin, au son d’une programmation musicale sur mesure, je replongeais dans mon Portugal d’enfance, celui que je retrouvais chaque été en bon émigrant que je n’avais pas choisi d’être.

Cyril Pedrosa, invité* pour sa BD illustrant ce pays qui m’avait vu naître, alors que lui non,  parlait mieux que je ne pourrais le faire de ces premiers instants retrouvés sur le sol de nos racines, dans nos vies d’adulte, longtemps après l’avoir délaissé. La surprise de ces émotions fortes que des sons, des odeurs émergent en vous, autant de souvenirs enfouis qui ressurgissent subitement, le cœur serré et la larme à l’œil. Tout à coup, on veut comprendre, on veut retrouver les traces de ceux qui nous ont fait. Oh, que je vous comprends !

La musique et ses mots me transportaient, ce matin, le ciel bleu par ma fenêtre, le noir de mon café, me voilà envolé au dessus de Lisbonne en quelques minutes, l’odeur de sardines grillées mêlée à celle des lessives du linge pendu aux fenêtres, une femme en noir passant devant ces murs colorés, jaune orangé ou bleu « azulejosé », un saut sur la tête…

Les voix successives des Maria, Bethania et Albertina, puis celle du vieux disciple du Fado Custodio Castelo me ramenaient à la Saudade de mon passé, dans les rues étroites d’une Lisboa qui défilait sous le regard nostalgique de mes oreilles. Merci Fip !

Une BD que j’écouterais du coup volontiers avec mes yeux !

Cliquez sur l’image ! (lien vers article Radio France)

(*) Cyril Pedrosa, invité le jeudi 10 novembre 2011, 21h, avec Caroline Bouvet-Bionda de la librairie Des bulles et des ballons (93100 Montreuil), pour présenter sa BD: « Portugal ». Emission rediffusée ce dimanche 1er avril, 10h.