Question de vie et de mort !

Mathilde se remarie !                                 Épisode 7  / 15

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Mathilde, 29 ans, mariée, fidèle, rêve toujours de prince charmant, de robe de princesse, nostalgique du plus beau jour de sa vie, dix ans déjà !
Sandrine, meilleure amie de Mathilde, 33 ans, l’âge du Christ, mais rien à foutre, pas croyante, le mariage, très peu pour elle, célibataire, hédoniste de nature, aime faire la fête, danser, boire un p’tit coup, ou deux, et transgresser les codes dès qu’elle peut.
Catherine, Cathy pour les intimes, collègue de Mathilde, 38 ans et toujours célibataire, à fond sur Meetic, rêve de mariage en grand avec une robe blanche, elle y croit !
Lætitia, chef de Mathilde, 45 ans, divorcée, deux enfants, terminé pour elle les mecs qui ne s’assument pas et jouer leur mère au foyer, elle veut voyager et s’éclater, profiter de la vie, quoi !
Joëlle, mère de Mathilde, 57 ans, veuve depuis cinq ans, elle a fait son deuil, mais les hommes, le mariage, c’est de l’histoire ancienne.

Trois heures plus tard, à la Bodega.

Sandrine sort le téléphone portable de son sac quand un message l’interpelle.

— Je rêve !
— Quoi ? s’inquiète Cathy, voyant la tête de sa copine.
—  Un sms de Mathilde.
— Ah, et qu’est-ce qu’elle dit ?
— Juste « HELP ».
— Help, comme au secours ?
— Oui, comme au secours. C’est un code entre nous pour rappliquer quand l’une a un coup de déprime. Elle l’a envoyé à 22h30.
— Tu crois qu’elle déprime ?
— Ça m’en a tout l’air. Et c’est moi qu’elle appelle. C’est génial, ça, Cath’ !

— Elle va te reprendre sur Facebook, alors !

Sandrine ne l’écoute déjà plus, elle consulte sa montre et se lève d’un bond.

— Putain, il est déjà 23 heures !
— Qu’est-ce qu’on fait ?
— Toi, je n’sais pas, mais moi j’y vais.

Sandrine pose son verre après l’avoir vidé cul-sec et prend ses affaires pour décoller illico. Cathy, elle, cherche désespérément son sac pour la suivre.

— Mais attends-moi !

Voilà les deux copines bientôt au pied de l’immeuble de Mathilde. Cette dernière n’a pas répondu à leurs appels durant le trajet en taxi, ce qui rend Sandrine très nerveuse.

— Putain, réponds !

Dix coups de sonnette à l’interphone auront été nécessaires pour entendre enfin un clic libérateur de la porte d’entrée mais sans le moindre son de voix. Au deuxième étage, Sandrine frappe à la porte. Elle est entrouverte. Elle n’a qu’à la pousser. Cathy suit comme elle peut, essoufflée, tant sa compère a avalé les escaliers comme sa Margarita.

— Mais attends-moi, Sandrine !

Cathy entre enfin et rejoint Sandrine, figée à la porte du salon. Le spectacle est apocalyptique.

Mathilde est assise sur une chaise, en robe de mariée, une bouteille et un flingue à la main. Le corps de Paul, torse nu et les fesses à l’air, gît par terre dans une flaque de sang.

Cathy passe la tête et suffoque un « Jésus Marie Joseph ! » avant de se retourner, prise de nausées. Sandrine, pas moins estomaquée, s’avance vers sa meilleure amie.

— Mathilde, mon poussin, qu’est-ce qu’il s’est passé ?

La mariée pointe l’arme vers son amie d’un geste brusque avec une grimace de désespoir autant que d’énervement :

— M’appelle pas poussiiiiin !

Pan ! Le coup part. Cathy pousse un hurlement. Sandrine ne bouge plus, raide morte… mais de peur.

— C’est bon, je n’ai rien, Cath’. Calme-toi !
— Mais… Mais t’aurais pu la tuer, Mathilde ! Pose ce pistolet ! Pose ce pistolet !
— Cesse de hurler, Cath’, tu vas alerter tout l’immeuble. Comme si le coup de revolver ne suffisait pas.

Sandrine tente de raisonner son amie en pleine crise.

— Mathilde, pose cette arme s’il te plaît. Les flics vont débarquer avec tout ce raffut.

Mathilde s’exécute et lâche l’arme qui tombe à ses pieds, sur le tapis.

— C’est parti tout seul. Pardon… Oh, pardon !

Sandrine retrouve ses esprits et saisit la pièce à conviction qui a bien failli avoir raison d’elle, la balle s’étant logée dans le mur derrière elle.

— Putain, Mathilde, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
— C’est parti tout seul ! C’est parti tout seul !

Sandrine lui retire également des mains la bouteille de whisky.

— Donne-moi ça ! Depuis quand tu bois ? Calme-toi et raconte-moi ce qu’il s’est passé.
— Je veux oublier ce cauchemar. Je veux me réveiller et que tout ça ne soit pas arrivé.

Cathy, une main sur le ventre, les yeux sur le cadavre, manque de s’évanouir. Elle s’assied sur une chaise.

— Tu… C’est toi qui… Mathilde… mais, il est mort ! 

Mathilde fond en larmes.

— J’voulais pas… hanc ! Oh ! C’est parti… hanc ! tout seul.
— Comment c’est arrivé ? demande sa meilleure amie qui la prend dans ses bras. Mais, bordel, tu le sors d’où ce flingue ? Et ta robe de mariée, c’est quoi ce cinéma ?
— Mais… hanc ! Il aurait pas dû …hic ! J’voulais pas, j’lui ai dit… hanc !
— Calme-toi… Tu ne voulais pas quoi ?
— Au début on jouait. C’est lui qui… hanc ! voulait que je la mette pour… hic ! une nouvelle nuit de noces. On avait un peu bu. Jusque là, ça allait, et puis il est arrivé avec ça.

Elle montre le pistolet que tient encore Sandrine.

— Il a commencé par m’attraper les cheveux… hanc ! et me dire des trucs que j’aimais pas. Il m’a projeté sur le tapis et s’est jeté sur moi, comme une bête. Je lui ai demandé d’arrêter… hic ! j’avais peur. Il m’a dit que c’était qu’un jeu, que ça l’excit… hanc !
— C’est monstrueux !
— Mais quel connard !

Sandrine lui tend un mouchoir, jetant un œil sur le cadavre, des fois qu’elle pourrait l’achever d’une manière ou d’une autre. Mathilde se mouche et essuie ses larmes.

— Oh! Sandrine, il est devenu brutal. J’avais trop mal, je voulais que ça s’arrête. Je l’ai supplié. Et quand j’ai vu le pistolet posé par terre, j’ai pas réfléchi. Je voulais que ça s’arrête, c’est tout. Je l’ai pris juste pour le menacer avec, en espérant qu’il arrêterait. Mais le coup est parti tout seul, j’te jure !
— Je te crois. C’est pas de ta faute.

Sandrine la serre dans ses bras. Mathilde est inconsolable.

— Je voulais que ça s’arrête, il me faisait tellement mal. Je voulais pas… Mais il insistait, il était comme fou, je savais plus quoi faire. Le coup est parti tout seul. Puis il s’est écroulé par terre, sans plus bouger. C’était horrible, il saignait de la tête… Je savais plus quoi faire.
— Oui ! Chuuu… Calme-toi… On va s’en sortir… chuuu… »

Cathy, elle, est en panique. Elle se lève et s’agite dans tous les sens.

— Seigneur Jésus ! … Il faut appeler la police ! 

Mathilde s’agrippe au cou de Sandrine.

— Je ne veux pas aller en prison ! Je ne veux pas aller en prison !
— Mais c’est de la légitime défense, Mathilde, lui répond Cathy. On va leur expliquer.
— Tu veux leur expliquer quoi ? la reprend Sandrine. Il a pris une balle dans le ciboulot. Non, Cath’, c’est grave, là ! … Réfléchissons !

Soudain on sonne. Sandrine se rend à la porte après avoir bien fermé celle du salon. Une voisine la menace d’appeler la police si elle n’arrête pas ce tintamarre depuis deux heures. Il est presque minuit maintenant. Sandrine tente d’expliquer le raffut par le son Dolby Stéréo de son nouveau « Home Cinéma ». Elle regardait un film d’actions entre copines.

— C’est bluffant comme on dirait que ça se passe dans l’appartement.
— Et bien, merci de mettre votre dolby en sourdine, on voudrait dormir. On bosse demain.
— Ne vous inquiétez pas, madame, le film vient juste de se terminer. Clint Eastwood les a tous butés. Vous avez vu Impitoyable  ? Je vous le conseille mais c’est un peu violent.
— Et bruyant !
— Désolé, vraiment, pour le dérangement. Au revoir ! … Bonne nuit !

De retour dans le salon, la tête sur les épaules et les idées claires, Sandrine a décidé.

— On ne va rien dire à la police. Cathy, si tu veux, tu peux encore partir. Personne ne t’a vue. Mais si tu restes, motus et bouche cousue.
— Mais… On va toutes les trois aller en prison !
— Décide-toi et vite !

— Mais il faut tout nettoyer sinon on risque de retrouver son ADN.

— Cath’, elle habite ici !!! Calme-toi ! Va plutôt me chercher tout ce que tu trouves, serpillères, seaux, produits nettoyants, draps.

Une heure plus tard. Cathy, en sueur, pose la question qui tue.

— On va faire quoi de Paul ? … On ne va jamais réussir à le porter dans cette couverture.
— Je réfléchis, dit Sandrine, préoccupée.
— On ne va pas le couper en morceaux comme dans Le père Noël est une ordure ?
— Tais-toi, au lieu de dire des bêtises. Laisse-moi réfléchir !
— Dans Volver, Penelope Cruz elle le met dans un congélateur, intervient alors Mathilde, de sa petite voix.
— Exact ! Et ça a marché, ajoute Cathy. T’as un congélateur, ici ?
— Oui, mais il est trop petit.
— Par pitié, taisez-vous, si c’est pour dire des inepties pareilles !

Dix minutes plus tard, Sandrine brise enfin un silence de plomb.

— On va appeler Lætitia. Elle a un 4×4. Elle saura nous tirer de là.
— Mais tu crois qu’elle sera d’accord ?
— Elle n’aura pas le choix !

Sandrine la joint aussitôt sur son portable.

— Allo, Lætitia ? … Je sais il est tard. On est chez Mathilde. On est dans une merde grave. On a besoin de toi et de ton 4×4…. Oui… Je ne peux pas te dire…

C’est une question de vie… (les yeux sur le cadavre) et de mort !


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Mathilde se dérobe…

Mathilde se remarie !                                 Épisode 3  / 15

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Robe sur cintreMathilde, 29 ans, mariée, fidèle, rêve toujours de prince charmant, de robe de princesse, nostalgique du plus beau jour de sa vie, dix ans déjà !
Sandrine, meilleure amie de Mathilde, 33 ans, l’âge du Christ, mais rien à foutre, pas croyante, le mariage, très peu pour elle, célibataire, hédoniste de nature, aime faire la fête, danser, boire un p’tit coup, ou deux, et transgresser les codes dès qu’elle peut.
Catherine, Cathy pour les intimes, collègue de Mathilde, 38 ans et toujours célibataire, à fond sur Meetic, rêve de mariage en grand avec une robe blanche, elle y croit !
Lætitia, chef de Mathilde, 45 ans, divorcée, deux enfants, terminé pour elle les mecs qui ne s’assument pas et jouer leur mère au foyer, elle veut voyager et s’éclater, profiter de la vie, quoi !
Joëlle, mère de Mathilde, 57 ans, veuve depuis cinq ans, elle a fait son deuil, mais les hommes, le mariage, c’est de l’histoire ancienne.

 Deux jours plus tard, appel d’urgence : « SOS meilleure copine ».

Sandrine retrouve Mathilde chez sa mère, dans la chambre de son enfance. Elle est allongée sur son lit, en pleurs.

— Qu’est-ce qui t’arrive, mon Poussin ?

Mathilde ne réagit même pas au petit nom qui l’insupporte. Sandrine comprend que l’heure est grave.

— Hou là ! qu’est-ce qu’il t’a encore dit ton mec pour que tu te mettes dans un tel état ?
— Hanc ! je ne veux plus le voir ! dit-elle enfin en se retournant vers son amie… Tout ce qui l’intéresse, c’est son boulot et sa collection de voitures miniatures.
— Il n’a toujours pas passé l’âge ?
— Si tu savais, il a deux cartons  de souvenirs hanc ! d’enfance à la cave. J’ai même trouvé hanc ! une trousse avec des billes… Je ne peux pas comprendre. C’est sa réponse à tout d’habitude, sauf que là, hanc ! depuis l’idée de célébrer les dix hanc ! de mariage, il a mis la face B du disque. Je ne te comprends pas, Math… hanc !

— Dis, tu ne veux pas te moucher ? C’est agaçant ces coupures. On se croirait dans une vidéo en streaming avec le débit d’une box Free.

Mathilde se relève et s’assied au bord du lit avant de s’exécuter bruyamment.

— Il t’a dit quoi ? poursuit Sandrine dans son interrogatoire.
— Heinc ?
— Il t’a dit quoi ton Paulo pour te mettre dans un tel état ?
— Les mêmes choses ! Que cette idée de mariage c’est du grand n’importe quoi, un fantasme de filles, que vous êtes des…
—  Des quoi ? se braque Sandrine, prête à lui en coller une à la première occasion.
— Des folles. Et que toi, la première, tu n’avais qu’à te marier si ça te faisait kiffer au lieu d’embarquer les autres. Tout le monde en a pris pour son grade, je te rassure. Même ma mère qui n’y est pour rien, il l’accuse de chercher à m’accaparer pour ne pas être seule.
— Quel con !
— Il a même ajouté que l’on ne devait pas dénigrer le mariage, que c’était un sacrement.
— Ben voyons ! Lui qui ne met jamais les pieds dans une église. Il est sacrément con !
— À la rigueur, on pourra aller au resto, il a dit. Juste tous les deux. Comme si ce n’était que pour me faire plaisir. Il s’en moque de cet anniversaire !
— C’est le moins qu’on puisse dire.
— Comme du reste. Il ne m’aime plus, Sandrine, il ne me regarde plus, il rentre tard, on ne fait… on n’a pratiquement plus de vie intime ou alors… Oh, j’en peux plus ! … Il ne veut jamais qu’on parle d’enfants, c’est…

Mathilde refond en larmes de plus belle. Sandrine la prend dans ses bras.

— Oh, non ! Mon poussin…
— Haan ! Arrêteu !
— Mon bébé… Tu sais quoi ? on devrait arrêter de les supporter ces mecs, tous les mêmes !

On devrait vivre ensemble toutes les deux…

Mathilde s’arrête net de pleurer, repoussant Sandrine un peu trop affectueuse.

— Heinc ? Mais ça va pas ? Je ne suis pas…
— Oh, mais moi non plus, qu’est-ce tu crois ! Je parle juste de vivre ensemble, en couple, on baise avec qui on veut, de vrais amants qu’on jette quand ils ne sont plus bons à rien et on s’épanouit à la maison comme autrefois quand on était ados, tu te souviens, quand je dormais chez toi, dans cette chambre ?
— Arrête ! On n’est plus des ados, Sandrine. Je veux avoir une vraie vie de famille, moi ! … Un mari, des enfants…
— Le bonheur sur terre, quoi. Regarde où ça te mène. Dommage, Poussin, on aurait pu être heureuse toi et moi.
— Je ne suis pas comme ça. Désolée d’être conventionnelle mais…

Tout à coup, on frappe à la porte. C’est Joëlle qui entre avec Lætitia.

— Bonsoir, ma chérie, je n’ai eu ton SMS qu’après la séance. Si j’avais su que tu dormais là, je ne serai pas allée au cinéma. Oh! mais tu as pleuré ?
— Ce n’est rien. Vous êtes allées voir quoi ?
Tabou, un film portugais.
— Ah ? Et c’était bien ?
— L’histoire de cette femme m’a transporté du début à la fin. Pas toi Lætitia ?
— Un peu long, mais très beau.

— Ça m’a rappelé toute une époque, l’Afrique avec ton père.

Voyant le visage de sa fille se décomposer, elle s’assied à ses côtés et la serre dans ses bras pour la réconforter. Seulement rien ne semble pouvoir arrêter les nouvelles échappées lacrymales de la future remariée, en plein doute.

— Mais qu’est-ce qui se passe mon trésor ?
— C’est encore Paulo, intervient Sandrine, il ne veut pas jouer le jeu, pas plus qu’il ne veut lui faire un gosse, ce bouffon !
— Ah mais si ce n’est que ça, je te refile les miens, Mathilde, plaisante Lætitia pour tenter de détendre l’atmosphère. Je sais, ça ne se dit pas, mais là, ils me mènent la vie dure. Ça y est, le petit remange avec nous à table.
— Comment ça ? demande Sandrine éberluée.
— Je ne supportais plus ses caprices pour avaler trois brocolis le soir. Alors, je le collais avec son assiette dans sa chambre pour ne plus l’entendre chouiner.
— T’as pas fait ça ?
— Quoi ? C’est pas comme si je l’avais mis à la cave. Et Dieu sait si j’y ai pensé !

Tandis que Sandrine découvrait comment Lætitia pouvait être pire qu’elle avec un gosse, Joëlle portait son attention sur la grande armoire.

— Dis donc, ma chérie, tu as ressorti ta robe. Elle est magnifique ! Une ou deux retouches et tu serais superbe ! Pourquoi en choisir une autre ? 

— Y a plus de fête, mam’hanc ! je crois que je vais demander le divorce. 

Derrière, deux voix tintent à l’unisson : « Alléluia ! »


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Sur-SAU-t de filles…

Mathilde se remarie !                                 Épisode 2  / 15

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Mathilde, 29 ans, mariée, fidèle, rêve toujours de prince charmant, de robe de princesse, nostalgique du plus beau jour de sa vie, dix ans déjà !
Sandrine, meilleure amie de Mathilde, 33 ans, l’âge du Christ, mais rien à foutre, pas croyante, le mariage, très peu pour elle, célibataire, hédoniste de nature, aime faire la fête, danser, boire un p’tit coup, ou deux, et transgresser les codes dès qu’elle peut.
Catherine, Cathy pour les intimes, collègue de Mathilde, 38 ans et toujours célibataire, à fond sur Meetic, rêve de mariage en grand avec une robe blanche, elle y croit !
Lætitia, chef de Mathilde, 45 ans, divorcée, deux enfants, terminé pour elle les mecs qui ne s’assument pas et jouer leur mère au foyer, elle veut voyager et s’éclater, profiter de la vie, quoi !
Joëlle, mère de Mathilde, 57 ans, veuve depuis cinq ans, elle a fait son deuil, mais les hommes, le mariage, c’est de l’histoire ancienne.

Lundi, au bureau.

Dans le grand open space du Service d’Aide aux Utilisateurs du département Financements Immobiliers Locatifs et Leasing pour Entreprises, le S.A.U. de FILLEs comme tout le monde l’appelle ici, ça jacasse.

Et pour cause, il n’y a que des filles au téléphone dans ce service dirigé par Lætitia.

— Catherine, bonjour ! … Oui… Tout à fait ! …  Non… Mais bien sûr, Monsieur Régnard ! C’est gentil… Votre problème de PBA est résolu alors ? … Ah, je vois… Oh ! vous savez parler aux femmes, vous… Non, pas demain midi … J’ai peur que… Oui, promis, monsieur Régnard … Ah! mais si vous aviez dix ans de moins, je ne dis pas… Oh ! … C’est gentil ! … Oh ! … Monsieur Régnard, on pourrait vous entendre !

C’est Lætitia qui l’entend surtout, s’agaçant de la teneur de la conversation.

— C’est Régnard ?

Cathy, la main sur le combiné, grimaçant : « oui ! »

Lætitia lui subtilise l’appareil et d’un ton sec sermonne son interlocuteur.

— Bonjour Stéphane. C’est Lætitia. Tu as un souci ? … Oui … Oui … Oui … Tout va bien, donc ! … Alors pourquoi tu embêtes encore les filles ? Tu ne crois pas que l’on a assez de boulot comme ça ? … Elle t’ensorcèle, ben voyons ! Ça va être de sa faute … … Écoute, avant qu’elle songe à tromper son mari, laisse-lui déjà le temps d’en trouver un, faire un gosse avec, peut-être deux, et vivre heureuse deux ou trois ans, hein ? … C’est ça … Bonne journée. Au revoir !

Elle raccroche et se tourne aussitôt vers Cathy :

— Régnard, mais comment tu fais pour rentrer dans son jeu ? Quel lourdingue celui-là !
— Mais, il est gentil. Ça fait du bien d’entendre des compliments des fois.
— Je rêve ! Il récite les mêmes boniments depuis dix ans que je le connais. T’es jamais fatiguée, toi. Le Dick Rivers de la dernière soirée, ça ne t’a pas arrêtée !

Mathilde, un bureau à côté, sort la tête du dossier qu’elle est en train d’éplucher et éclate de rire.

— C’est vrai ! Où t’es allée le chercher celui-là ? C’est ma mère qui était contente !
— La pauvre Joëlle, renchérit la chef, il ne l’a pas lâchée de toute la soirée et toi t’as rien fait pour l’en débarrasser. T’es soûlante parfois, tu sais ?
— Mais c’est pas moi, c’est Sandrine. Et puis je croyais que…
— Que quoi ?
— Ben que… Tu vois… Joëlle pouvait être intéressée… Il était plus de son âge, non ?
— Mais enfin, ma mère ne cherche pas un mec. Et puis même ! Elle n’est pas désespérée à ce point ! T’as vu sa dégaine au type, c’était… Hoho !

Elle éclate de rire à nouveau. Lætitia coupe court à la conversation.

— Passons, les filles, je ne suis pas venue pour ça. (S’adressant à Mathilde) À nous, ma grande ! Tu l’as consulté ?
— Oui mais je n’ai pas fini de l’étudier. Le paragraphe…
— Mais je ne te parle pas du dossier Romberg, idiote. Je te parle du site avec les robes de mariées.
— Hein ?
— Vas-y, connecte-toi !

Cathy se lève et suit Lætitia vers le poste de Mathilde, toute excitée.

— Oh ! j’peux voir, j’peux voir ?

Le téléphone de Mathilde sonne. Lætitia appuie sur une touche pour le faire taire et fait danser la souris sur son tapis jusqu’à obtenir ce qu’elle veut voir.

— Regarde celle-là, elle n’est pas craquante ? … J’adore son style années 20 !

— Bof, ça ne fait pas mariage, je trouve, grimace Cathy.
— Et toi, Mathilde, qu’est-ce que tu en penses ?
— Elle n’est pas un peu courte ?
— Avec les jambes que tu as, tu seras irrésistible … Regarde ces dentelles !

Mathilde ne dit rien. Elle affiche un air grave tout d’un coup, puis s’écarte de l’écran.

— Tu parles ! Irrésistible pour qui ? Paul ne veut pas entendre parler de ce « délire de nanas », comme il dit.
— Tu ne te remaries plus ?
— Qui parle de mariage, Cathy ? la recadre la chef. Il s’agit d’une preuve d’amour. Montrer à celle qu’on aime que l’on pourrait se réengager tous les jours s’il le fallait. Car rien n’est acquis.
— Hein ? Quoi qui est à qui ?
— Bon, Cathy, soit tu regardes les photos, soit tu suis la conversation. Mais là, ça ne va pas le faire d’une seule oreille.
— Oui oui, j’écoute, j’écoute.
— Ce mec-là, il est à l’ouest total, ma pauvre Mathilde.
— Quel mec ?
— Paul ! De qui crois-tu qu’on parle, là ? Il pense qu’en se mariant il a oblitéré un ticket pour la vie et qu’il n’a plus qu’à rester sagement assis dans son train train quotidien entre le wagon restaurant et celui couchette.
— Paul a pris le train ? Mais pour aller où ?
— Oh ! tu es exaspérante !

Mathilde est au bord des larmes.

— Il ne me regarde plus. Il n’a même pas vu que je suis allée chez le coiffeur.
— Ah bah, là, quand même ! T’as coupé au moins dix centimètres !
— Il faut les faire descendre du train ces hommes-là. Mon Louis, ça a été pareil. Et crois-moi, une fois à quai, il a fait des pieds et des mains pour refaire partie du voyage. Sauf que le prix du billet augmentait au fur et à mesure que j’ouvrais les yeux.
— C’était quel voyage ?
— Pitié, Cathy, suis un peu ! … Mathilde, il n’est pas question de céder, ma grande.
— Qu’est-ce que je peux faire ?
— On ne va pas le laisser nous gâcher la fête, quitte à la faire sans lui !

— Tu veux dire qu’elle va se remarier toute seule ?

— Et pourquoi pas ? Allez, au boulot, les filles ! Trouvons la plus belle robe qui soit !


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