Donne-moi la main Menino

Ah! Qu’elle me semble loin ma Lisboa de carte postale !

Celle dont je suis tombé amoureux, il y a 25 ans déjà. 

Souvenez-vous, je vous invitais, naïvement, à tenter d’en retrouver le charme, dans une série de quatre articles, ici même… il y a 7 ans : Um dia a Lisboa >>

Ne cherchez plus, ils ont dû tout raser, c’est sûr !

Cela fait presque dix ans que je n’ai pas remis les pieds dans la capitale portugaise et j’en pleure à l’idée de la retrouver dans l’état que l’a dépeinte Aurélie Delahaye dans son roman. Car il faut avoir le cœur bien accroché, comme dans l’electrico 28, pour imaginer ce qu’un amour comme le mien peut provoquer comme désastre sur l’élue de son cœur, quelques décennies plus tard.

Imaginez ! Une belle femme, libre et insouciante

qui aime rime, boire, chanter et faire la fête,

qui vous laisse vous jeter dans ses bras pavés que vous empruntez d’un bon élan… amoureux,

et qui aime se donner à ceux qui savent déceler sa beauté sous la lumière du jour, changeante.

Son cœur en Alfama est grand pour celui qui sait prendre son pied pour l’emmener aux sept ciels de ses collines.

les promoteurs immobiliers et Airbnb ont fini par la prostituer !

C’est à la mode partout dans le monde, vous allez me dire. Ici, même à Versailles, comme à Paris, Barcelone ou Venise, le concert de roulettes battait son plein dans le centre-ville…

Jusqu’à l’arrivée d’un virus qui a enrayé les représentations des bagages à deux-roues.

Mais dans ce roman, Donne-moi la main Menino, la Covid n’a pas encore montré le bout de son masque, puisque les faits se déroulent juste avant.

Aurélie Delahaye nous embarque dans la ville lisboète avec un tas d’acteurs de ce désastre, des amoureux français désemparés, des locaux victimes ou aveugles et une volonté de réparer le mal et sauver Senhor Zé dans une utopie légère qui se lit de bon cœur…

Un peu comme dans une aventure du Club des Cinq filmée par Klapisch !

J’ai autant aimé le livre que j’ai eu envie d’y retourner, chaque instant, tout en me disant qu’il me faudrait avant faire le deuil de celle qui m’a donné tant de joie par le passé.

À moins de faire comme Viviane, Menino, Joséphine, Rosa et les autres, et me battre contre cette absurdité montante qu’est de…

voyager dans des villes de croisière affrétées par Airbnb…

et laissées à quai de leurs centres historiques, tout en fermant les yeux sur les locaux jetés par-dessus bord.

Un beau roman que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire, malgré tout. Merci Faty !


Vous aussi, laissez parler vos émotions dans une de ces rubriques :
avis d’expo, de spectacle ou encore avis de lecture ou avis de ciné !

Um dia a Lisboà (4)

Parce qu’on me l’a demandé plusieurs fois cet été, je le partage ici avec vous au Café.
Un jour à Lisbonne, en 4 parties… très subjectives, voire intimes !   << Retour au 1er volet <<

 Au coeur de la movida lisboète !

Lisboà plan2
Ce soir, je sors dans le Bairo Alto !

Itinéraire d’un enfant gâté par les trésors d’un quartier noctambule.

18hvous êtes au niveau de la place du Rossio (ou place Dom Pedro IV) où trône l’édifice du théâtre national. A deux pas, en quittant la place par le parvis do largo de Sao Domingos, vous passez devant l’incontournable A Ginjinha ! …

Très prisé par les locaux autant que les touristes, ce bistrot de passage a su rester authentique. Pour 1,20€ vous avez droit à la boisson locale (avec ou sans cerises, « com o sem fruta »), à boire sur place, le temps de prendre le bus ou le métro ou juste avant de rentrer à la casa.
Mais pour vous, c’est un avant-goût de l’apéro … liquoreux !
.
Remontez de l’autre côté du théâtre vers la place Restauradores, en passant devant la somptueuse devanture de la gare du Rossio, souvenez-vous. Juste après la place, sur la gauche et juste avant les majestueuses contre allées de l’avenida da Liberdade, se trouve le funiculaire da calçada da Gloria qui vous emmène au niveau du Bairo Alto.

19hvous profitez du superbe panorama de Sao Pedro de Alcantara (cliquez sur la photo pour agrandir) et juste face à l’arrivée du funiculaire dans la rue du même nom que le miradouro, se trouve L’institut du Porto (2) derrière une grande porte qui donne sur un grand hall d’hôtel.

N’hésitez pas à entrer (pas d’enseigne) !
Ici vous pouvez déguster les meilleurs portos proposés sur une carte difficile à appréhender tellement il y en a. Les prix vont de 2 à 20€ le verre. Intéressant si vous aimez le porto, sinon un peu huppé comme ambiance.

Vous préférez un endroit plus atypique, déjanté, qu’à cela ne tienne… suivez-moi !

19h30 – Poursuivez sur la droite du miradouro, par la rue Sao Pedro de Alcantara jusqu’à arriver à la rue Dom Pedro V, au numéro 89 se trouve O Pavilhao Chines (pavillon chinois). Là, je ne vous dis rien, pas même une photo… entrez et ouvrez grands les yeux … de nombreuses salles … la dernière est réservée aux fumeurs, avec deux billards … « C’est … c’est … hou ! … il est fou le proprio ! » … Là, c’est cocktails et tout alcool de pub, pints of stout and other ales… y a même des Mojitos !!

20h30Une fois l’apéro enfilé, vous pouvez arpenter la zone du Bairo Alto (astérisque sur le plan) pour manger et passer le reste de la soirée dans le quartier comme proposé dans le volet précédent, selon le flair et l’envie.

Tard dans la nuitPour redescendre, je vous suggère d’emprunter mes escaliers préférés, A Calçada do Duque, qui se trouvent juste à côté du parvis de l’église Sao Roque.

Chaque palier de ces escaliers donne lieu à un point de vue différent sur le contre-bas de la ville ou du château, illuminé. J’adore ! …

Arrivé en bas, derrière la gare du Rossio, encore elle, toute resplendissante, il n’est pas rare que l’on marque un dernier arrêt dans ce quartier rénové pour déguster en terrasse un petit Maciera (genre de calva), histoire de digérer cette belle journée, « esto dia a Lisboà », que je vous souhaite mémorable !

Et si vers 4h du matin vous traineriez encore du côté de la rua da Rosa, les plus malins pourront dénicher une porte sans enseigne qui fleure bon le pain chaud. Entrez donc ! … Il s’agit d’une padaria (boulangerie), on vous y vendra volontiers les premiers « pao com salsicha » (pain avec saucisse) du jour qui s’apprête à enfiler son aube pour la messe du dimanche et absoudre au possible les péchés de la nuit écoulée.

Um dia a Lisboà (3)

Parce qu’on me l’a demandé plusieurs fois cet été, je le partage ici avec vous au Café.
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 De la Baixa au Bairo Alto, suivez le guide de bas en haut !

Entre les deux mon coeur balance, la gare ferroviaire du Rossio et son quartier refait à neuf, lumineux et branché pour un dernier verre avant de rentrer. Passage indispensable !

Oui mais débarquons d’un peu plus bas, où se jette le Tage.

La Baixa, comme son nom l’indique est la partie basse de la cité lusitanienne. Le quartier se caractérise par ses maisons à trois, quatre étages tout au plus et aux toits rouges, ses belles boutiques et ses rues quadrillées, tantôt avec circulation, tantôt piétonnes. La plus agréable et la plus empruntée est la rua Augusta dont l’axe piéton va de la place du Commerce, bordant le Tage, à la place du Rossio, son grand opéra et sa majesté la gare.

L’Elevator Santa Justa, à deux pas, se prend comme un funiculaire ou tram (avec un ticket de transport).  De la patte d’Eiffel il vaut le coup d’oeil et

permet de passer de la partie basse à la partie haute de la ville (Bairo Alto). Le dernier étage nécessite un supplément (pour touriste mais vaut le coup). On y a bien entendu un chouette panorama, du château, mais surtout une vue unique du couvent des Carmes en ruine qui se visite pour son expo archéologique… enfin quand elle est exposée.

Une fois en haut, on aborde le quartier du Chiado où il est indispensable de jeter un œil à l’intérieur du café A Brasileira (magnifique !) et s’asseoir pourquoi pas à la place à côté du poète Fernando Pessoa, figé de marbre et dont la silhouette vous semblera familière, le temps d’un café (excellent !).

Juste au dessus, à quelques mètres, se trouve la place à l’éponyme de l’autre poète, Luis Camoès, et le Bairo Alto, un quadrillage de rues à vocation « je mange sur le pouce et je fais la fête toute la nuit ».

Des bars et/ou restos pullulent tous les dix mètres, musique à fond dès 18h, des tascas pour grignoter avec un verre de vin, des magasins de fringues mêmes. Là il s’agit de se promener, voire errer, le temps de boire un verre ou deux, à l’extérieur, à même le trottoir, où tout le monde se côtoie.

L’ambiance est unique ! …

La movida lisboète n’a rien à envier à celle de Barcelone.

Le bar Portas Largas, situé rua da Atalaia, attire foule. Très branché, de la musique fado à un groupe rock psychédélique en live, tout y passe. Alors on y passe mais on s’y lasse vite car trop bondé le week-end. Il suffit de prendre à gauche ou à droite, redescendre, prendre à nouveau à droite ou à gauche et on découvre un autre bar déjanté … et ainsi de suite, jusqu’au bout de la nuit.

C’est ça le Bairo Alto ! … mais suivez plutôt l’itinéraire du dernier volet.

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Um dia a Lisboà (2)

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 Autour du Castelo Sào Jorge, décor de carte postale !

Lisboa 1990 - Alfama - Carte postale 1

La première fois que je suis allé à Lisbonne, en 1995, je suis rentré à Paris avec cette carte postale que je n’ai pu finalement envoyer à personne. Mon coeur s’y refusait.

Je venais de tomber amoureux de cette ville, pas comme les autres, et cette photo d’elle m’ouvrait littéralement son coeur. Il fallait que je la retrouve, coûte que coûte, à cet endroit même. Car il était clair que c’est là qu’elle habitait.

Telle a été ma quête la fois suivante.

Quand je l’ai enfin rencontrée, deux ans plus tard, une femme forte accoudée à une des fenêtres délabrées scrutait les opportuns. L’endroit était identique à la photo, les couleurs à peine altérées. Mais déjà les grues étaient en place, un peu plus loin. Tout le reste des bâtiments semblait avoir été vidé de son mobilier humain.

Seule restait à la fenêtre une armoire à glace mâchouillant un bout de pain. « Nào passarào ! »

Inutile de vous dire que quinze ans plus tard, plus aucun mobilier n’habite ces murs. Mais les grues n’ont pas eu raison du courage de certains sans doute ou n’ont pas pu se regarder dans leurs glaces pour achever leur travail de sape.

Cet endroit existe toujours, abîmé, au teint plus très frais, presque nu, seuls quelques graffitis l’habillent encore de leurs fantaisies, déserté mais vivant !

Je ne donnerai ici ni adresse ni autre indication précise pour que vous le retrouviez. Comme moi, vous vous laisserez guider par votre coeur… et qui sait, peut-être la belle vous y ouvrira ses bras.

Si je peux vous donner un indice, descendez au Largo de Santa Luzia (comme dans le premier volet) et osez vous engouffrer entre les bâtisses en direction du château. Vous ne serez pas très loin.

Car le château est incontournable !

Certes, assez cher (7€ en 2012) et souvent bondé (et dire que c’était gratuit autrefois)

Et pourtant… ce lieu est vraiment l’histoire de Lisboà, sa trame, son buste.

Il y a une atmosphère indescriptible, car personnelle, un air de romantisme sur ces remparts où on s’imprègne de cette insouciance et cette légèreté qu’inspire la belle, affriolante sous son décolleté à la vue imprenable, charmeuse dans ses dessous, l’Alfama, la Baixa, tumultueuse et extravagante sous son Bairo Alto … J’ai eu la chance de m’y balader au petit matin ou au coucher du soleil (heures idéales !), presque seul, histoire de la courtiser à ma façon.

Cela fait longtemps que je n’y suis pas retourné (dommage !)

En suppléments, deux adresses coups de coeur autour :

 O Chapitô

Situé au 7, rua da costa do castelo, ouvert au public à partir de 18h !

En descendant du château, prendre par la droite jusqu’à la rua do milagre (miracle) de Santo Antonio. En descendant, sur la gauche, ce petit bar-restaurant et cirque à la fois (d’où le nom). Très original, très branché le soir. Animations ponctuelles la journée autour de spectacles visuels pour enfants (cirque, autre), puis café, starter ou restaurant à partir de 18h. Sympa pour boire un verre ou dîner avant de sortir. Point de vue très discret mais très mignon selon si on déniche une bonne petite place.

O Terraço (la terrasse)

Situé au 3a, Calçada do Marques do Tanco (après le Chapitô en descendant)

Méga terrasse avec des accessoires de récup’ très créatifs, des jeux aussi pour les enfants. On se croirait sur une plage virtuelle au dessus de Lisbonne, avec son petit bar-barraque en bois.
A chacun, son fauteuil, canapé, tabouret, sa chaise longue ou droite, à chacun son style de détente pour boire un verre devant un panorama exceptionnel de la ville et du Tage, complémentaire ou alternatif de celui du château, pour qui n’aurait pas profité de son point de vue. Grand soleil indispensable !
(attention, tantôt ouvert, tantôt en travaux !)

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Um dia a Lisboà (1)

Parce qu’on me l’a demandé plusieurs fois cet été, je le partage ici avec vous au Café.
Un jour à Lisbonne, en 4 parties… très subjectives, voire intimes !

Au coeur de l’Alfama

Lisboa Alfama

En bleu, une portion du tracé de l’Electrico n°28.

Ah ! … L’Electrico 28.

Tout un programme, des sensations, manège ou transport, on ne sait plus très bien, théâtre ambulant oui ! … tant il s’en passe le long du trajet… à ne pas rater !

Descendre à la cathédrale Sé ou au Largo de Santa Luzia. Je préconise le deuxième pour profiter du miradouro (panorama) sur le Tage et les toits rouges de l’Alfama, juste en dessous.

Ca donne envie de plonger … et c’est ce qui vous attend dès que vous descendrez par n’importe quelle ruelle ou escaliers en contrebas. Tout va très vite, à pied … il faut prendre son temps, il faut oser les petits passages, les petits escaliers … Ah ! … prenez les bécos, les escadinhas, les travessas ou ruas étroites, à la découverte d’un point de vue nouveau sur le Tage, sur les toits du quartier, à la surprise d’une  placette fleurie où les locaux sont assis sur un banc ou pendus à une fenêtre, si ce n’est pas leurs draps, slips ou autres fringues séchant. Laissez-vous porter par les odeurs mêlées de lessives, de sardines grillées persistantes, de fleurs, de fruits et légumes frais …

Ecoutez les bruits pétaradants des femmes aux fenêtres,

bêlant un salut lointain à une voisine ou le retour de leurs gosses qui jouent au ballon, criant, s’esclaffant à tue-tête ! … Ici pas de circulation motorisée, car presque impossible, juste des gesticulations vocales… autorisées !

Ah, l’Alfama ! … on s’y laisse submerger, on sillonne, on marche, on erre durant des heures, sans plan (ah quoi bon ?) et on se perd, et comment ! … enchanté, embaumé par le spectacle visuel, auditif et olfactif…

L’Alfama vous récompense à toutes les tables qui ne payent pas de mine, le menu feutré sur une nappe en papier, quatre tables qui se battent en duel et que les locaux, comme les connaisseurs, saisissent à toutes heures, pour 7 euros un plat … et quel plat ! … Parfois une terrasse s’improvise sur un palier entre deux escaliers … le pied !

car le pied est roi dans l’Alfama,

tant il se donne pour vous émerveiller … il a mérité de se poser et se reposer ! … Où ?… Mais n’importe ! … usez de votre flair ! (dans tous les sens du terme mais d’abord dans son sens propre, l’olfactif). Mais j’ai quand même mon idée … la mère Gomes !

A Morgadinha de Alfama 

Situé 37 rua da regueira, Madame Gomes a ouvert un nouveau resto en face du lieu initial, le temps de travaux, sans doute terminés. A l’intérieur, une brique grise assez chaleureuse vous accueille. Elle a soigné la déco, Madame Gomes, qui parle très bien français. Un très beau châle (jaune je crois) orne le mur gris.

Une cuisine exceptionnelle, de simplicité et de bons produits. Sardinas assadas, le top en saison ! … le Bacalhau à Bras incontournable tant c’est un régal ! Boire le vinho verde qu’elle recommande, du petit lait et très agréable avec les poissons grillés (robalinho et tout ce qu’elle aura du jour !). Possibilité de manger en terrasse aussi … enfin, dans la rue, quoi !

Dites que vous venez de ma part, pour qui me connait, un franco-portugais fan de ses sardines et de rugby qui est venu plusieurs fois.

Retour par la cathédrale Sé à pied en suivant la rua Sao Miguel, puis rua Sao Joao da Praça.

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Je n’ai jamais d’idée…

António Lobos Antunes.

Je suis allé à la rencontre* de ses chroniques, comme je suis entré la première fois dans le coeur de l’Alfama, à Lisbonne, errant dans ses rues étroites, sans plan
(on comprend vite que cela s’avère inutile)
sans chercher à me rendre à un point B
(sachant que je serais incapable de vous dire d’où partait le point A).

Et quelle n’a pas été ma surprise, ma stupéfaction même !

devant cette sensation douce et tranquille de se sentir soi, chez soi, où les couleurs, les odeurs des mots vous parlent, vous portent, vous ramènent là où vous ne vous souveniez plus avoir été
– mais je n’y suis jamais allé !
dans l’écriture, dans ce pays, dans cette ville, au milieu de ces âmes vives et vraies, d’un passé qui lui appartient et qui m’appartient soudain, une complicité naissante qui se crée au fil des pages, la même qui m’a submergé depuis ces escadinhas (petits escaliers) dont la septième marche m’ouvrait avec bonheur un bras du Tage, quand la onzième le recouvrait d’une vague de draps blancs pendus à des fenêtres.

Tout se mêle dans ce livre, cris de l’intérieur, odeurs de l’enfance,  couleurs des écrits qui peignent les murs d’une existence. Tous se mêlent, dans ces rues qui ne font qu’une, de ceux qui les regardent, comme moi, et de ce qui ne les regarde pas, surtout. On entend les enfants jouer au loin, la voix chantante d’une Amalià
– Zé ! .. Zé ! … c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?
couvrir l’orchestre de la rue, le grillé des sardines vous emplit les narines quand un vent de lessive l’emporte aussitôt au large du fleuve de paille.

Oui, on peut dire que j’ai aimé ses chroniques,

son style, sa perception de l’écriture, et notamment de la page blanche, point de rencontre de tout écrivain ou écriveur en vain, comme ici au Blog-Café, avec les premiers mots, l’inspiration, un rendez-vous avec l’histoire, avec un petit h et qui finit souvent avec un grand euh…

Pas de panique, en bon chasseur de mots, d’idées, assis, à attendre le gibier, laissez-le venir à vous. C’est ce qu’António nous livre dans sa « chronique pour ceux qui aiment les histoires de safari » :

« Je n’ai jamais d’idée, commence-t-il ;

je me limite à attendre le premier mot, celui qui entraîne les autres derrière lui. Il y a des fois où il vient tout de suite, et d’autres où il met des siècles. C’est comme chasser des antilopes sur la rive du fleuve : on reste adossé à un tronc jusqu’à ce qu’elles arrivent, en silence, sans parler. Et voilà qu’un petit bruit s’approche : la chronique, méfiante, regarde de tous côtés, avance d’un rien la patte d’une phrase, prête à se sauver à la moindre distraction, au moindre bruit. Au début, on la voit à peine, cachée dans le feuillage d’autres phrases, de romans écrits par nous ou par d’autres, de souvenirs, d’imaginations. Puis elle devient de plus en plus nette quand elle s’approche de l’eau du papier, qu’elle prend de l’assurance, et la voilà, toute entière, qui penche le cou en direction de la page, prête à boire. C’est le moment de viser soigneusement avec son stylo-bille, en cherchant un point vital, la tête, le cœur
(notre tête, notre cœur)
et quand nous sommes sûrs de bien avoir la tête et le cœur dans la mire, de tirer : la chronique tombe devant nos doigts, on dispose ses pattes et ses cornes de façon à ce qu’elle soit présentable
(ne pas en faire trop, pour que l’attitude ne soit pas artificielle)
et on l’envoie à la revue. »

Juste… limpide. Des mots sauvages, chassés dans la brousse de notre imagination ou des mots d’élevage, en batterie, soigneusement sélectionnés pour alimenter une production de best-sellers. Ma caricature est facile mais tellement claire dans mon esprit qui rejoint cette pensée que j’adore
(et je finirai cette chronique naissante là-dessus)

« Comment ça le roman portugais, ou américain, ou espagnol. Cessez de dire des bêtises :

les seuls livres qui peuvent devenir bons
(et ce n’est jamais certain)
sont ceux dont on a la certitude qu’on n’est pas capable de les écrire »

(extrait de la chronique « Explication aux béotiens »)

Je vous laisse méditer là dessus, en vous invitant sur une page blanche, si vous aimez les histoires de safari, bien sûr !

(*) Merci Pascal !
 

La musicalité des mots…

Je voudrais vous parler d’une émission radiophonique qui, depuis quelques temps le dimanche matin, m’emmène ailleurs et parle de livres en musique… Mieux, elle délivre la musique des mots d’une œuvre par son auteur, souvent présent et accompagné d’un libraire qui le présente.

Ce petit bijou d’émission, c’est Fip qui nous l’offre au beau milieu de ces matinées dominicales.

Si je vous parle de Fip, ce n’est pas pour en faire la pub, elle n’a pas besoin de cela, mais parce qu’elle m’influence dans mon quotidien, elle m’accompagne. Je vous en parle comme s’il s’agissait de ma compagne, d’ailleurs.

Vous remarquerez que j’emploie Fip au féminin. Il faudrait presque dire, elles, au pluriel tant ces voix douces et sensuelles, légères et malicieuses, parfois insolentes qui savent capter mon attention marquent son identité. Me voilà polygame parmi ces muses polyphones !

Ce dimanche matin, au son d’une programmation musicale sur mesure, je replongeais dans mon Portugal d’enfance, celui que je retrouvais chaque été en bon émigrant que je n’avais pas choisi d’être.

Cyril Pedrosa, invité* pour sa BD illustrant ce pays qui m’avait vu naître, alors que lui non,  parlait mieux que je ne pourrais le faire de ces premiers instants retrouvés sur le sol de nos racines, dans nos vies d’adulte, longtemps après l’avoir délaissé. La surprise de ces émotions fortes que des sons, des odeurs émergent en vous, autant de souvenirs enfouis qui ressurgissent subitement, le cœur serré et la larme à l’œil. Tout à coup, on veut comprendre, on veut retrouver les traces de ceux qui nous ont fait. Oh, que je vous comprends !

La musique et ses mots me transportaient, ce matin, le ciel bleu par ma fenêtre, le noir de mon café, me voilà envolé au dessus de Lisbonne en quelques minutes, l’odeur de sardines grillées mêlée à celle des lessives du linge pendu aux fenêtres, une femme en noir passant devant ces murs colorés, jaune orangé ou bleu « azulejosé », un saut sur la tête…

Les voix successives des Maria, Bethania et Albertina, puis celle du vieux disciple du Fado Custodio Castelo me ramenaient à la Saudade de mon passé, dans les rues étroites d’une Lisboa qui défilait sous le regard nostalgique de mes oreilles. Merci Fip !

Une BD que j’écouterais du coup volontiers avec mes yeux !

Cliquez sur l’image ! (lien vers article Radio France)

(*) Cyril Pedrosa, invité le jeudi 10 novembre 2011, 21h, avec Caroline Bouvet-Bionda de la librairie Des bulles et des ballons (93100 Montreuil), pour présenter sa BD: « Portugal ». Emission rediffusée ce dimanche 1er avril, 10h.